lundi 30 août 2010

Ma corres' (professionnelle)

Sam 28 août 2010, 11h 47min 40s
pas facile
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De :
sebastien montero  
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À :emilie renard <emilierenard.contact@gmail.com>




De : emilie renard .contact@gmail.com>
À : sebastienmontero@yahoo.fr
Cc : contactpetunia@googlemail.com
Envoyé le : Sam 28 août 2010, 4h 19min 54s
Objet : Re: pour émilie renard - dirty diaries - MERCI




Bonjour Sebastien Montero, 

merci pour votre email, c'est toujours intéressant et rare de recevoir une réaction à un texte.
Merci également d'avoir pris le temps de ce retour.
Je vais faire comme ça, des petites morsures, parce que je ne veux pas vous (et m') infliger une texte en plus (il faudrait pas tomber dans le double monologue).

j'essaye de vous lire d'une manière aussi attentive que vous l'avez été pour ce texte,
mais je vois quelques confusions qui m'empêchent d'y répondre point par point "en défense" de mon texte et de ses raccourcis que vous avez soulignés, et je préfère m'avancer d'abord "en défense" ou à propos du genre pornographique.
En fait ce qui m'avait paru "à redire" sur votre texte c'était la facilité avec laquelle il acceptait le genre d'une forme et comment cette "évidence" m'empêchait d'apprécier l"'évidence" du reste. Ce lien entre comment vous soutenez (acceptez) ce film en tant que porno pour installer (soutenir) votre propos, me semble peu sécable.


Car en fait, je vois quelques glissements de sens entre d'une part, le genre pornographique : ce qui décrit un acte sexuel et le montre à travers le prisme du film, du cinéma à la vidéo sur le net, etc., en fait, d'un médium, d'autre part, l'acte sexuel amoureux VS prostitué : si je vous lis bien, c'est vous qui posez ce couple là d'opposés, en tout cas, pas moi.
Non, non c'est sûr je ne vais vous faire porter des trucs que j'ai dit, promis.
Ce qui est sûr aussi, c'est que j'ai saisi votre texte comme une occasion de traiter un objet que je trouve difficile à saisir (la pornographie), sur lequel j'ai essayé quand même de ne pas trop m'étaler (2 paragraphes sur 6), mais qui n'était pas l'objet de mon envoi. Dans le débat un peu pauvre qui opposait érotisme et pornographie (à une époque), il n'y avait que l'étymologie (vilain défaut) qui me consolait des propos que j'entendais et qui me semblaient toujours tomber à côté. J'ai pourtant mis longtemps à l'intégrer. Depuis, maintenant que je n'oublie plus que la pornographie a pour origine les images de prostitués, c'est toujours ce qui me parait le plus juste, le plus petit dénominateur, ce qui ne fait jamais défaut à la pornographie. C'est pour cela aussi que j'ai, entre autres réserves sur mon couplet, noté mon approche académique et amateur : je n'ai pas de leçon a donner sur le sujet, j'ai juste essayé de justifier pourquoi il me paraissait peu envisageable pour moi de prendre ce film pour ce qu'il se prétendait. C'est plutôt par là que passait mon fil. En gros, même si ce que je dis sur la pornographie n'a aucun sens, ça ne suffit pas à me faire prendre l'expérience suédoise pour de la pornographie (ce qui influence aussi ma lecture de votre texte selon son hypothèse).

Je ne pense pas opposer grand chose : il y a de l'acte sexuel et cet acte passe par de l'accord amoureux ou par un accord autre. Je ne dis pas que l'un s'oppose à l'autre, juste que l'un a plus de chance de faire pornographique que l'autre. Si pour vous il suffit de sexe à l'écran pour faire pornographie, pour moi j'y vois un genre autre.


En fait, pour moi, peu importe s'il y a du sentiment, s'il est amoureux, s'il est simulé, si les acteurs sont amateurs, s'il s'agit d'un "vrai" couple de plus ou moins longue date ou d'un couple constitué pour l'occasion, entre ses différents états, les limites sont minces et surtout, elles ne tiennent pas compte du médium cinéma, de l'image et de ses effets de construction... 
Je regarde ce qui apparaît, je m'intéresse à la situation fictionnelle posée dans le cadre du film.
C'est peut-être ça le hic (entre nous : mais je pense qu'on pourra faire des équipes) : dans la pornographie, il n'y a pas de fiction.

Et dans le cadre du film suédois (malgré les tentatives de fiction et donc la fiction), les différents états et leurs minces limites, transpirent fort sur le médium cinéma. Le jeu qui fait peut-être l'absence de pornographie c'est la formule : transpiration du réel / tentative de fiction, en tout cas l'équilibre maintenu de ce rapport, alors que ce qui marche bien dans la pornographie, c'est la foirade immédiate de ce rapport (le faux dentiste, la fausse bonne sœur, ...)


un des caractère du film porno qui le fait porter à cette limite entre réalité et fiction est que la pénétration n'est pas simulée (contrairement par ex, à la mort ailleurs, au cinéma), mais ce fait est également construit par l'image. 
La pénétration n'est pas une propriété pornographique.


Aussi, peu m'importe la question du tarif, de l'acteur, du spectateur, il y a effectivement une économie du porno, comme des travailleurs/euses du sexe.
Je n'ai aucun doute donc, sur la nature pornographique de mon objet d'étude,
Bon bah dans ce cas...



simplement parce que le genre pornographique est revendiqué par ses auteures, je n'ai donc aucune prétention à questionner cette étiquette, et surtout, là, je me permets un passage éclair sur ce terrain : vu l'effet que la vision de ce film a eu sur moi, il a rempli son rôle de film porno.
Nous arrivons enfin à l'indiscutable, à de l'éventuel.
Peut-être qu'une définition du film porno par son rôle, ça pourrait le faire ?


donc, vous l'aurez compris, mon texte ne pose aucun de problème éthique fondamental sur l'économie du cinéma porno, qu'il soit féministe, amateur ou non, ni de jugement moral sur les effets du porno sur un couple d'amoureux et son influence sur ses intimes représentations... 
J'espère que vous n'avez pas lu mon approche comme morale. Le pain complet c'est "meilleur" que le pain blanc, mais moralement ça n'a pas trop de retombées, même avec l'adjectif meilleur, et entre les deux genres (un pour vous) de film, je n'ai même pas évoqué de préférence, ou de mieux, ou de bien/pas bien : il n'y en a pas. Des pommes, des poires, du rouge, du bleu, le rex ou le plufm...

Ce texte traite plutôt de l'image, de la représentation du sexe et convoque des filiations culturelles pour en décortiquer des influences non explicites et les faire fructifier au profit d'une idée certes intuitive, mais qui tente de se justifier en regard de ce film...
Ok.


Ensuite, sur la question de l'indifférence des genres, initiale, initiatique, je crois là encore qu'il importe peu qu'elle soit marquée pendant une durée significative, endosser un tel costume est déjà assez significatif et je n'ai eu pour ma part, aucune déception à voir, même très vite, apparaître une bitte, une chatte, une bouche, des poils etc. Une certaine complexité du genre était performée dès le début, ce qui influe sur tout le reste de la relation.
Je n'ai vu qu'une bite avec un seul T (ce n'est pas une leçon d'orthographe juste une blague sur l'objet saisi : nous ne voyons - lisons - pas les mêmes choses et c'est chouette, je crois que certaines personnes mettent effectivement deux T), mais pour le reste Ok aussi...


Enfin, question de méhode, écrire un texte critique sur un objet (oeuvre ou film), pour moi, n'est pas exactement faire un compte rendu fidèle, mais c'est aussi l'utiliser comme support, du moment que l'échafaudage permet de faire tenir ensemble de tels raccourcis, je m'intéresse d'abord au film pour lui même, puis au texte en lui même, plus qu'à sa relation descriptive fidèle vis-à-vis du film, donc, pour reprendre votre métaphore, j'aime effectivement tricoter une couverture sans doute mal adaptée à la surface de mon objet, que j'ai par ailleurs bien regardé, et surtout aimé !
Être juste n'impose pas la fidélité - surtout qu'en acceptant le film comme pornographique vous lui êtes restée particulièrement fidèle, c'était ça la (ma) question - être juste avec un objet permet tout autant d'en faire un support.
"Faire l'amour sous les couverture, c'est abolir le monde" (vous m'avez un peu tendu la perche - j'assume la maladresse de l'expression à l'endroit de notre débat, même si elle n'est à prendre que pour elle même) et dans le cas du texte, s'il doit, sinon l'abolir, mais couvrir, masquer le film (en forcer la surface), il faut alors peut-être que ce détachement soit lui aussi introduit, en tout cas présenté.
Là précisément, il y a confusion pour moi : vous ne nous faîtes pas part de votre arrangement. C'est pour ça que je vous ai écrit.

Merci encore de votre réponse

Pour ce qui concerne une approche du genre pornographique au cinéma qui me semble particulièrement juste et du côté des images, je me permets de vous indiquer une lecture que j'entame à ce sujet : 
Julien Servois, Le Cinéma pornographique - Un genre dans tous ses états, ed. Vrin - Philosophie et cinéma 2009
un livre que j'ai trouvé via ce commentaire très convainquant sur :

Partager en simultané, avec une inconnue, une lecture du genre, classe. Belle proposition.


voilà, j'espère que j'ai répondu à quelques unes de vos remarques sur ce texte... 
cordialement, 


Super
 
Emilie 



---------- Message transféré ----------
De : sebastien montero
<sebastienmontero@yahoo.fr>
Date : 2 août 2010 10:22
Objet : pour
émilie renard - dirty diaries - MERCI
À : petunia@trianglefrance.org, contactpetunia@googlemail.com

Je comprends l’attraction exercé par Lacan et l’influence que cela peut produire dans l’écriture d’un texte sur l’image entre les genres. (Je comprends, et je m’en excuse, l’indélicatesse de cette première phrase qui laisse entendre que vous n’auriez lu Lacan qu’avant-hier). Je comprends aussi très bien que le film en question (tout le film Dirty diaries comme chacun des petits courts qui le composent) est la surface idéale qui permet de poser des pensées, et de tirer la couverture par là plutôt que par ici. Je comprends aussi qu’hommelette puisse servir de matière de lecture à ces deux corps recouverts de tissu car j’ai trop de facilités aussi à produire du sens avec des intuitions, mais cette hommelette, si je comprends bien (encore une fois), c’est plutôt une matière commune (et jusque là je veux bien vous suivre, les deux premières minutes du film), un jus du frottement libidinal entre les genres, poulet/poulette, hommelet/hommelette, un mélange d’homme, de fragilité (let*) et de féminin (ette), alors que dans le film des corps en tissu - et les images jointes à l’article (oui j’ai trouvé cette revue « Petunia » dans une galerie) annoncent des gestes assez clairs concernant l’intrigue - on comprend assez vite qui porte la chatte et qui se trouve en érection, il y a très peu de temps de confusion. Peut-être que l’intention est de suggérer un corps indifférent (et je ne tiens pas à lutter sur l’exactitude des termes) mais on échappe très vite à cette tentative (dommage même que la coupe véridique intervienne et qu’ils ne continuent cette sexualité d’une autre planète : aliens sans doute mais identifiables en tant que genre**).

Si je me permets donc de reprendre un texte qui vaut évidemment par son appétit théorique (chercher des liaisons Foucault/Lacan/Buthler, c’est parfaitement jouissif), c’est parce que très simplement cette tentative pornographique suédoise échappe absolument à la pornographie (la seule proximité avec le genre est peut-être l’invitation des deux filles d’un pauvre inconnu qui se ridiculise, et encore…), je veux parler de tout le film, et le couple en tissu n’est pas épargné par la règle du film : on ne fait pas de pornographie avec des corps amoureux, avec des déjà-couple. Ces questions qui confrontent couple et
pornographie, limitent l’enjeu (et contredisent très vite l'annonce) de cette expérience, difficile alors de prendre cet objet comme il parle de lui-même pour saisir un moment de sa matière afin d’y poser la vôtre. C’est louable mais alors comment prendre la finesse de votre argumentaire si d’entrée il ne semble pas
questionner l’objet du discours pour ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. Un film qui annonce de la pornographie et qui ne peut donner à la place qu’une vision amoureuse (ou exceptionnellement foireuse) est peut-être une amorce inévitable
(?)

La pornographie est un acte sexuel forcément hors-amour ou en tout amour tarifé : forcé par un tarif. Oui il y a des moments de pornographie amoureuse, la pornographie traverse parfois l’aventure sexuelle de couple, croisement/importation des visions, mais aussi de manière si surprenante qu’il est peu possible d’y prévoir la place d’une caméra. C’est peut-être ce qu’à chercher le film sans pouvoir relier les deux bouts, peut-être incompatibles. En pornographie, c’est le prix qui se paye qu’on « voit » à l’image, quelque chose est payé qui rend possible le prix de la pornographie (et qui offre une valeur pornographique, sa figure) et parce que nous sommes en dehors du prix (nous en payons un autre) – hors transaction - cette chose qui nous échappe nous est rendue sexuellement. Cette transaction est peut-être un des chocs du film de cul. Nous ne savons pas exactement pour « combien » nous sommes en train de voir de sexe et souvent une forme de brutalité vient nous rendre la monnaie. Bon ceci est très intuitif, je ne regarde le porno qu’en amateur, mais je sais que chaque fois, ce qui me prend, c’est une chose qui m’échappe et comme tout est assez clair et surexposé, ce qui m’échappe est forcément hors-cadre, une négociation, un négoce, un accord préalable dont je ne suis que le client, sans jamais comprendre exactement le client de « combien » ou pour « combien ». 

On me dira : aucun acteur (tout genres confondus) ne reçoit son cachet pendant un plan. Et c’est bien là, la spécialité du porno, c’est que le cachet est perçu, reçu, à même le plan : dans le cul du plan même, il est donné en sexe. (de l'amour on ne sait jamais pour combien non plus, mais ça on sait bien qu'on
ne l'a pas, qu'on ne le compte pas...)

Bon tout ceci n’est pas réglé et reste assez académique comme vision de l’économie pornographique, mais je n’ai capté dans le film en question qu’une sexualité de couple (payé ou pas, ce n’est pas ça qui « découple ») - pas si crue quand on fréquente « les pays nordiques » - et la tendance au gommage des
différences assez peu évidente, malgré la clarté du projet, concernant le film en tissu. D’ailleurs parce que le jeu est de cacher, de masquer, le réflexe de base est de ne pas lâcher l’image jusqu’à trouver les volumes qui feront la différence (j’aurais peut-être aimé, moi aussi, ne jamais pouvoir rien vérifier et alors lire votre texte comme un sous-titre sans faute).


La pornographie étant, telle que je l’ai beaucoup trop rapidement survolée - parce que ce n’est pas assez proche et parce que ce n’est pas le lieu, pour moi ici, d’étaler quelque chose – et aussi bien autrement (on pourra penser aux raisons qui ont fait plus grande la place de la caméra à l’endroit où les sexes combinent le lisse et le grand format, ce qui n’est absolument pas le cas pour l’expérience suédoise), une manière, une économie de monstration des sexes entres eux et c’est étonnant qu’on ne puisse pas chercher à montrer du sexe, des échanges entre sexes, sans en même temps vouloir se confronter au porno. Faire du sexe en images n’oblige pas à se mesurer à ce registre-là, si l’objet est de faire de la pornographie autrement, au risque de faire tout autre chose – voire même d’inventer autre chose – autant faire autre chose et d’annoncer qu’il s’agît d’autre chose (de la sexographie, du cinamour, de la vidéobaise, …).
Sinon alors on fait de la pornographie, genre assez pauvre qui se suffit à lui-même et qui ne peut se passer d’un minimum de médiocrité, comme qualité nécessaire.

Bon voilà, c’est du vite fait mais j’ai regardé le film avec intérêt (il n’est qu’intéressant) et lu votre texte avec attention (il est attentif) et c’est l’occasion pour moi d’écrire ça (je ne serai pas tombé sur votre texte, le mien serait tombé nulle part, il ne serait même pas tombé).

________________________________

*Ladies European Tour ou encore Toucher le filet(je ferai un minimum de jeux de
mots sympa mais j’ai besoin d’affirmer le côté cool et attentionné de mon
courrier).
**C’est à dire « en temps de guerre » : allons-y (après j’arrête…)


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Sur la question du porno en plusde la recension du livre de Servois il y a toute une réflexion lancée cet été sur le porno et la philo sur le site freakosophy:

Le dernier article est celui-ci:
http://freakosophy.over-blog.com/article-pornosophie-reloaded-la-girl-next-door-ou-l-erotisme-de-la-fiction-56178755.html

Et vous trouvez une sorte de sommaire des autres là:
http://freakosophy.over-blog.com/article-pornosophie-1-mode-d-emploi-49506900.html

Enjoy

F.

sm a dit…

Merci Fanobrimec, la pornographie, quand c'en est, ça ne me fait pas théoriser, ni ouvrir un livre... (le porno pose des question, mais je préfère la vitesse de sa réponse), par contre les critiques qui Renardent un peu, ça me fait écrire.

bises camarade