
En position barbecue
Pourtant les nombreuses fois où il m’arrive d’échanger avec mes camarades de recherches, amis de parole entre autres - parfois selon des hypothèses assez exigeantes et dans certaines poussées très libres, reposant souvent sur des appuis fragiles, maintenant l’équilibre à l’enthousiasme - nous n’avons pas tant besoin des gestes pour nous entendre. Nous construisons des élaborations inachevées qui tiendront bien jusqu’à la prochaine fois mais jamais dans une contribution à la querelle.
Nos gestes nous les pratiquons souvent seuls, dans nos coins de pratique respectifs, à couvert, et c’est d’eux dont nous débattons ouvertement, à découvert cette fois, en terrasse, à table, en position barbecue ou encore à pied.
J’étais bien content de mon propos sur le geste et la parole à papa, je le trouve encore assez juste, notamment pour le cas qui lui sert d’exemple mais j’ai l’impression que cet exposé ne vaut plus grand-chose sitôt passé le domaine du conflit générationnel. Les intellos continueront bien à pinailler, mais entre proches, ceux qui m’entourent - ce qui ne veut pas forcément dire en mode « pensée commune », ils ne m’entourent peut-être que de ne jamais achever un propos mieux qu’ils ne savent l’élaborer, donc à la limite, en mode « forme commune », ok - j’ai l’impression qu’il n’y a jamais l’objectif de l’emporter mais de soumettre une histoire en plus à la particularité d’un propos général.
Ainsi à l’endroit où les gestes auraient la vertu de relayer les impasses théoriques on pourrait, selon la compagnie verbale en cours, très bien s’en passer.
La conclusion temporaire serait alors assez pauvre : il ne s’agirait alors, comme le premier texte le laissait entendre, que d’une différence non pas de nature entre la parole et le geste mais de ce que cette différence de nature révèle de la différence d’âge. Ce n’est peut-être que la vitesse de changement de l’un (le langage) sur la vitesse de changement de l’autre (les gestes) qui dit ce qu’une époque conserve ou délaisse.
C’est à nouveau une qualité de la stabilité des gestes que de ne pas varier selon l’outil utilisé ou la situation en présence, quand le langage lui peut conceptualiser un même problème de mille façons et que selon notre parcours et la durée de celui-ci, la position où l’on se trouve déposé par lui, il est courant que les conceptions soient différentes.
On peut ajouter quand même que cette proximité que permettent les gestes sur les différends que la parole interpose reste en vigueur dans le cas d’une reconnaissance moyenne, voire faible des personnes les unes avec les autres, mais dans le cas d’une quasi-confrérie, d’un groupe ou de proches, les gestes, même entre deux personnes pas forcément d’accord, n’ont pas vraiment d’intérêt : ils sont eux-mêmes discutables.
La question délicate et hors-texte, mais que je ne peux pas éviter à présent, alors que la fantaisie d’un blog pourrait l’exiger*, mais bon Guichard a bien chanté "Mon vieux", c’est alors :
* (…) on me permettra d’excepter de la discrétion où l’amitié doit les tenir innommés, Michel Foucault, à qui me lient l’affection, la solidarité intellectuelle et la gratitude, puisque c’est lui qui…
(R. Barthes, Leçon)
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